Ismaël Nanfo Diaby est devenu une star sur les réseaux sociaux depuis qu’il a commencé à prier en langue Maninka. Nonobstant les multiples menaces et sanctions dont il a fait objets de la part des autorités religieuses, ce prédicateur islamique ne perd pas de force et de soutiens pour défier les autorités politiques et religieuses du pays. Sur les réseaux sociaux deux camps s’affrontent indirectement, où chacun cherche à étayer ses arguments même s’ils ne sont pas fondés.
D’aucuns parlent d’une violation de la laïcité qui stipule le respect de toutes les croyances religieuses en Guinée. Mais à écouter les uns et les autres, l’on se rend compte que ce principe de la laïcité est très meconnu par ceux qui prétendent le connaître. Sur cette question nous avons interrogé Maître Mouley Ismaël Diallo juriste, qui nous explique la signification de cette dite laïcité, qui fait polémique suite à l’interpellation de Nanfo.
«La laïcité en tant que telle, chacun est libre de choisir sa religion et aussi de l’appliquer. Maintenant, dans chaque religion, il y’a les principes de la religion. Ce n’est pas que tu es libre de faire ta religion comme tu l’entends sans respecter les principes de la religion, mais, tu es libre de choisir la religion que tu veux. Quand les chrétiens sont à l’église, les musulmans sont à la mosquée et les autres ne sont nulle part, tu n’as pas à dire que celui-ci fait bien ou que l’autre fait mal. C’est ça la laïcité et surtout le principe de la loi, ce n’est pas la loi d’une telle religion qui s’applique à tout le monde. Y’a une loi à part qui n’est pas directement liée à aucune religion qui doit s’appliquer à tout le monde», fait savoir maître Ismael.
Pour cet homme de droit, les préoccupations religieuses doivent être réglées par les spécialites en la matière.
«Dans la religion elle-même, c’est les religieux qui peuvent dire réellement dans cette religion, c’est comme ça qu’elle doit fonctionner. Si nous prenons le cas de ce qui s’est passé à Kankan, l’interprétation des textes religieux appartient aux religieux, ceux qui connaissent tellement les fondements, le contenu, la signification, le principe et les exceptions de la religion en question», fait savoir maître Mouley Ismael Diallo, qui affirme avec certitude, que la laïcité en tant que telle, «c’est la liberté de choisir une religion, de l’appliquer et de respecter les autres dans leurs choix. Le contenu de chaque religion, c’est les religieux à l’intérieur qui peuvent dire, voici les principes généraux, voici les exceptions, parce que le jugement en tant que tel n’appartient qu’aux spécialistes de la religion». Donc, renchérit-t-il, dans ce cas précis, Nanfo Ismael Diaby n’est pas interpellé et jugé parce qu’il prie dans une langue qui n’est pas l’arabe, mais, «parce qu’ici, la loi l’a pris ent tant que trouble à l’ordre public. Parce que si ce qu’il fait trouble l’ordre public et que l’ordre public est prévu dans le code pénal et que c’est l’infraction dont il est accusée, c’est de ça qu’on va parler. Ce n’est pas de dire qu’il prie dans une langue ou dans une autre, ce n’est pas la loi en tant que telle qui peut gérer ça», a-t’il laissé entendre.
Pour éviter toute polémique autour de cette affaire, ce juriste pense que «ce sont les religieux qui devraient avoir une cellule de réflexion pour expliquer aux gens réellement pour ce cas là qu’est-ce qu’il faut. Mais si tout le monde se prend comme généraliste et spécialiste en même temps, ça risque de fausser les données», avertit notre interlocuteur.
Cette situation a créé un amalgame sans précédent dans l’opinion, qui n’en vaut pas la peine selon maître, qui évoque un vide juridique dans ce dossier.
«Si je dis y’a un vide juridique dans nos textes de loi parce que y’a pas une infraction qui parle même de la prière, quand quelqu’un prie ou quand quelqu’un ne prie pas, ça ce n’est même pas une infraction. Maintenant quand il prie en français ou en anglais ou dans une autre langue, y’a même pas cette partie dans un texte de loi. C’est aux religieux de savoir si cela est acceptable ou pas. Si c’est pas acceptable, on lui dit de ne pas le faire, si c’est acceptable on le laisse prier», a tenté de clarifier cet analyste des questions juridiques.
Selon toujours maître Mouley Ismael Diallo, qui réside à Labé, cette affaire va au-delà de la laïcité qui n’a rien à voir dans cet imbroglio qui perdure a-t-il conclu.
Mamadou Aliou Diallo pour investigatorguinee.com