Le 29 octobre au Chapiteau by Issa du Palais du peuple de Conakry, la presse guinéenne, unanime, a rendu un vibrant hommage anthume à Diallo Souleymane ou Yala-le-Gros Lynx. Histoire de lui reconnaître sa lutte, durant une trentaine d’années, pour la promotion et la défense d’une presse libre et indépendante en Guinée. Une reconnaissance, bien méritée. Une première dans l’espace médiatique du pays.
A la faveur d’une journée de reconnaissance et d’hommage, la presse guinéenne, collaborateurs, parents, amis et autorités, ont célébré avec faste Diallo Souleymane. Grâce à l’initiative d’un ancien du Lynx, Sanou Kerfalla Cissé, aujourd’hui PDG d’Afric Vision, un groupe de médias influents en Guinée. La cérémonie festive a été marquée par la projection d’un documentaire sur la vie et l’œuvre de Diallo Souleymane en Afrique et ailleurs, surtout en Côte d’Ivoire et en Guinée. L’accent a été mis sur les difficultés à maintenir Le Lynx, satirique et critique, dans un régime militaire peu favorable à la liberté de la presse et d’expression et dans un contexte économique des plus difficiles.
L’Administrateur du Groupe Lynx-Lance, en compagnie de son épouse, de son homonyme et petit-fils, a été salué, ovationné, remercié, pour sa constance et sa détermination dans la lutte tumultueuse pour la liberté de la presse en Guinée. Au combattant, il a été décerné le premier prix éponyme Diallo Souleymane, pour la liberté de la presse. Une attestation de reconnaissance et une médaille lui ont été aussi remises. Le studio de Sabari FM du Groupe Afric Vision de Kissidougou porte désormais son nom. Le comité d’organisation a statué le prix Diallo Souleymane. Il va être décerné chaque année, à une personnalité du monde médiatique, de celui judiciaire, de l’espace politique ou de la société civile, qui se sera illustré dans la promotion de la liberté d’expression. «A ce prix, va être adossé la célébration d’une personnalité marquante d’un média guinéen», explique Amadou Diallo, ancien de la BBC, porte-parole du comité d’organisation.
Diallo Souleymane demeure un combattant. «Le pari ambitieux d’organiser une journée de reconnaissance et d’hommage à Diallo Souleymane reflète notre foi en l’avenir de la presse en Guinée, mais aussi notre ferme volonté de faire la mue de celle-ci. En Diallo Souleymane, nous avons toutes les qualités qui font les personnalités exceptionnelles : constance, détermination, vision, refus de la peur, intelligence et humour dans la critique. Son professionnalisme ne s’est jamais démenti : il a formé, écrit et publié», a indiqué Amadou Diallo.
Plume d’humour
Le Secrétaire général du ministère de la Communication et de l’information, Souleymane Thiâ’nguel Bah, soutient que l’on ne peut parler de la liberté de la presse en Guinée, sans évoquer le nom Diallo Souleymane. «Vous avez imprimé votre marque à l’information et à la communication dans notre pays à travers votre génie créatif et inventif, ainsi que votre plume acerbe, teintée d’humour, d’inspiration satirique, résultat d’un courage eu égard du contexte dans lequel vous avez créé Le Lynx».
Boubacar Yacine Diallo, le président de la HAC (Haute autorité de la communication), ami de Diallo Souleymane, rappelle qu’ils se rencontrés en 1991. «Souleymane Diallo fait partie de la première promotion du collège des conseillers au CNC (Conseil national de la communication) », rappelle-t-il, et de rendre un hommage à Hadja Fatoumata Bah (l’épouse de Diallo Souleymane) qui, à l’époque a tenu la direction du Groupe Lynx-Lance.
Dansa Kourouma, le président du CNT (Conseil national de la Transition) a salué un homme de conviction «inébranlable, constant et persistant». Il déclare que ce qu’a fait Diallo Souleymane pour la liberté de la presse, les droits humains, la démocratie, des générations lui retiendront cela.
Un journaliste, libre
Diallo Souleymane, le récipiendaire, dans un discours plein d’humour, d’allusions, a remercié famille, amis, Etat, collaborateurs, et annonceurs. Il a prié pour le repos de l’âme de ses devanciers du Lynx, dont Williams Sassine, Alassane Diomandé, Sékou Amadou, Sambri Sacko de Bokoro, Prosper Doré, Assan Abraham Kéïta, Fatoumata Bintou Diallo, Mohamed Diallo, Bah Mamadou Lamine, entre autres. Aux journalistes qui lui « ont offert honneur et reconnaissance », il leur « demande de redoubler de vigilance pour suivre d’assez près, l’enracinement, dans ce pays, de la culture démocratique, partant médiatique.» Puisque, selon lui, le journaliste «ne saurait s’épanouir en dehors de la liberté, de la culture, de la démocratie, du respect des normes, des lois de la république. L’envie me vient souvent de prendre le journaliste pour un petit bonhomme qui travaille avec les grands. Le jour où il est persuadé qu’il est grand, qu’il raccroche ! », a-t-il conseillé. Rideau !
L’intégralité de son discours est une leçon. Diallo Souleymane, s’est adressé à tous les Guinéens. Lisez plutôt!
Ce mot de remerciement s’adresse à tous ceux qui ont permis à cette journée de reconnaissance et d’hommage à titre anthume de se réaliser envers le modeste journaliste que j’ai été. Je ne connaissais pas le sens du terme anthume. Un coup d’œil à travers Larousse, je panique : comment, grand dieu, arriver à cette date du 29 octobre? Je me suis retrouvé, à mon corps défendant, dans une trilogie qui ne dit pas son nom : les rabbanas, la clinique et la pharmacie. Dieu merci, aujourd’hui, c’est bien le 29 octobre ! Soyez remerciés de votre présence à cette grandiose cérémonie.
Mes remerciements vont à ce pays qui m’a vu naitre, à la nation qui, avec l’aide de l’État, m’a assuré un minimum d’éducation formelle, à ma famille biologique qui s’est dépensée sans compter pour m’inculquer les valeurs de nos ancêtres, à ma famille nucléaire qui m’a supporté, à ma famille professionnelle qui a couronné ma carrière. Au Groupe Lynx, qui a su se plier aux caprices d’une démocratie naissante pour survivre. Aux amis, d’ici et d’ailleurs, notamment ceux qui ont pu faire le déplacement de Conakry, aux lecteurs et annonceurs qui ont assuré notre indépendance. Aux collaborateurs, mes collègues, qui ont tout mis en œuvre pour le triomphe de nos idéaux de liberté et de dignité. Aux avocats qui ont eu un œil permanent sur nous et notre environnement. A l’œil. A ceux qui ont collaboré au Lynx, toute ma gratitude; à ceux qui y collaborent toujours, bonne suite. A nos illustres devanciers, la grâce divine. Veuillons observer pour eux, une minute de silence !………..Merci
Permettez que je vous remercie tous, des initiateurs aux organisateurs, en passant par tous ceux qui, nombreux, ont contribué au succès de cette cérémonie de reconnaissance et d’hommage, m’offrant ainsi une excellente occasion de rejoindre l’au-delà, la tête tranquille.
Permettez également que je sacrifie à une habitude, celle de semer des cactus parmi les rares fleurs que je distribue. Aux journalistes qui m’ont offert honneur et reconnaissance, je demande de redoubler de vigilance pour suivre d’assez près, l’enracinement dans ce pays de la culture démocratique, partant médiatique. C’est presque une lapalissade. Le journaliste ne saurait s’épanouir en dehors de la liberté, de la culture, de la démocratie, du respect des normes, des lois de la république. L’envie me vient souvent de prendre le journaliste pour un petit bonhomme qui travaille avec les grands. Le jour où il est persuadé qu’il est grand, qu’il raccroche ! J’ai pris aussi l’habitude contestable de comparer la liberté de la presse à un immeuble. Certains États sont au sous-sol, d’autres, au 16è étage. D’autres encore, aux étages supérieurs. La Guinée n’est pas au sous-sol. Jamais ! Elle a fait des pas de géants en matière de liberté de presse, en un temps record. Elle revendique valablement une place au 2è étage, au moins. Faisons l’économie des étapes franchies, pour ne citer que la décriminalisation des délits de presse, l’attribution par l’État d’une maison à la presse, la subvention annuelle de la presse par l’État. J’en arrête-là.
Décidément, il faut féliciter cet État-là pour ses efforts envers la presse. Et, les cactus aidant, lui rappeler qu’il fait constamment face à deux paysages, l’un politique; l’autre, médiatique. Celui-ci est très envahissant, actualité oblige! Celui-là est fin calculateur, par nature. Merci au paysage administratif de ne pas confondre les deux. Ils ne sont ni identiques ni interchangeables. La justice le sait. Quand les hommes politiques commettent des délits, c’est la police qui enquête. Pour les délits de presse, c’est directement le procureur de la république qui gère. Même La Palice le sait. Ou bien il vous est arrivé une fois de prendre un journaliste la main dans le sac, en train de diffamer quelqu’un sur les ondes? Encore une fois, la Guinée a décriminalisé les délits de presse. C’était le prix à payer pour la location de l’appartement du 2è étage de l’immeuble. Mais, on peut toujours reprendre l’escalier …pour monter ou descendre. Le surplace est quasi impossible tant qu’il reste une marche à franchir.
Toutefois, si un journaliste souhaite se faire interroger par la police, il doit changer de délit. Il ne manque pas de poulets mal surveillés en haute banlieue, ou de coups de poings à distribuer dans les bars-cafés. Tout ce qu’on lui demande, c’est de se rappeler qu’un « journal découpé en morceaux n’intéresse aucune femme, mais une femme découpée en morceaux intéresse tous les journaux. » La presse sera donc toujours là. Reste une question. Comment monter à l’étage supérieur de notre immeuble? La question se pose au Gouvernement, mais la réponse ne peut venir que de la qualité intrinsèque du paysage médiatique.
Ceci dit, je souhaite remercier nos voisins du paysage politique. Je leur demande avec insistance d’occuper constamment leur terrain. Ils doivent savoir que si le paysage politique est vide, c’est nous, du paysage médiatique, qui les remplaçons, à notre corps défendant. Or, nous ne voulons pas récolter ce que nous n’avons pas semé.
Remercier tous les acteurs politiques équivaut en définitive à remercier la Gouvernance de ce pays, ceux qui l’ont dirigé par le passé, ceux qui le dirigent à présent, ceux qui aspirent à le diriger, ceux qui le dirigeront effectivement dans l’avenir. Je mettrai un accent particulier sur ceux auxquels l’histoire a permis de poser des actes concrets pour libérer le peuple de Guinée et sa presse. Aussi, mes remerciements vont-ils naturellement à Fory Coco et sa Cocoteraie, le haut lieu de la liberté de ton qui caractérise la presse guinéenne. Ces remerciements vont au Président Alpha Grimpeur qui a eu l’idée géniale de créer, entre autres, « le Groupement des Forces Spéciales.» Devant l’Histoire et ses vénérables historiens, je suis dans l’obligation de m’abstenir d’aborder les raisons profondes qui ont amené Colonel Mamadi Doumbouya à éviter à ces Forces Spéciales de jouer le rôle ordinaire d’une milice de quartier. Aux valeureux officiers supérieurs de l’armée ayant conduit les diverses transitions qui ont jalonné l’histoire de ce pays, je souhaite un procès juste et équitable. Que la vérité triomphe pour le bien du peuple de Guinée ! Je vous remercie
Avec le Lynx